Réglementation emblématique renforce la résilience agricole en RDC

Réglementation emblématique renforce la résilience agricole en RDC

Le paysage agricole en RDC a connu une progression significative au cours de la dernière décennie. Cependant, des inquiétudes persistent concernant l'accès limité aux innovations agricoles, la baisse de productivité, la diminution des rendements agricoles et la qualité inférieure des produits pour les consommateurs, tant au niveau des ménages que des marchés. Le pays est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique, et étant donné que 95 % de l'agriculture en RDC dépend des précipitations, ce secteur est hautement susceptible des variations météorologiques. De plus, les petits exploitants agricoles, qui manquent principalement de soutien financier, dominent le secteur agricole et sont particulièrement exposés aux effets du changement climatique. Selon le Fonds international de développement agricole, environ 70 % de la population active travaille dans l'agriculture, principalement pour l'autoconsommation, et ce secteur contribue directement à hauteur de 20 % du produit intérieur brut du pays. Ainsi, le secteur agricole possède un potentiel considérable et inexploité dans le contexte général de la sécurité alimentaire et du développement économique durable et équitable du pays.

Dans le but d'accroître la résilience du secteur agricole, en 2021, le GIIF a commencé à soutenir le services Consultatifs Programmatiques et Analytiques du Secteur Financier du Groupe de la Banque Mondial (ASA) en RDC. Dans le cadre de ce projet ASA, les composantes ont été conçues pour répondre aux demandes du gouvernement visant à renforcer le secteur financier grâce à des réformes et des activités de renforcement des capacités afin d'accroître l'accès à des services financiers et des produits plus abordables dans le pays. En incorporant un volet sur le développement de l'assurance agricole, le projet visait à contribuer à la stabilité et à l'inclusivité du secteur financier, ouvrant ainsi la voie à un accès amélioré au financement pour les agriculteurs et les éleveurs, en soutien à leur résilience financière ou climatique.

Le volet assurance agricole s'est concentré sur l'examen de la faisabilité de développer des solutions d'assurance pour la population rurale. Il a identifié les défis techniques, opérationnels, financiers et institutionnels, et a formulé des recommandations pour le développement d'un produit d'assurance agricole axé sur le marché, éventuellement grâce à un partenariat public-privé entre le gouvernement et l'industrie naissante et en croissance de l'assurance nationale. Parmi les activités supplémentaires figuraient également i) la mise en place d'un Comité national pour le développement de l'assurance agricole (NCDAI) chargé de superviser la mise en œuvre de l'assistance technique et ii) un examen du cadre réglementaire de l'assurance couvrant la micro-assurance et l'assurance indicielle. En mai 2023, il a été annoncé que les nouvelles réglementations n°002/23 relatif aux opérations de Microassurance et le règlement n°003/23 relatif à la Microassurance indicielle ont été adoptés par le Conseil d'Administration de l'ARCA. Il s'agit là d'une étape importante pour le Groupe de la Banque mondiale et pour les petits exploitants en RDC.

Dans ce numéro, nous nous entretenons avec Mme Fanny Mbilo Eale, la Directrice Générale Adjoint de l’ARCA, à propos de cette annonce récente.

GIIF: Comment décririez-vous le développement du marché de l'assurance indexée en République Démocratique du Congo ?

Mme Fanny Mbilo Eale: Depuis la libéralisation de la Loi N°15/005 du 17 mars 2015 portant Code des assurances et 4 ans après l’ouverture du marché des assurances en RDC en mars 2019, avec l’agrément de nouveaux opérateurs, le secteur des assurances connait un dynamisme particulier.

Hier encore secteur monopolistique, le nombre d’opérateurs est passé à 42 dont 10 sociétés d’assurances, 30 intermédiaires et 2 réassureurs pour un chiffre d’affaires approchant les 291 millions de dollars en fin décembre 2022 contre 70 millions de dollars avant mars 2019.

Bien que le secteur connaisse une croissance depuis sa libéralisation, il n’en reste pas moins que la majorité de la population congolaise et certains agents économiques, souvent plus faibles, demeurent sans couverture d’assurance. Il y a lieu de noter, en effet, que l’assurance apporte une réelle valeur ajoutée, en permettant aux ménages d’être plus résilients mais également en favorisant l’activité entrepreneuriale.

Toutefois, cette embellie dans le secteur des assurances en RDC traduit bien non seulement l’élan de confiance qui s’observe entre les parties prenantes du secteur mais aussi toute la détermination de l’ARCA à redonner à ce secteur stratégique ses lettres de noblesses dans le financement de l’économie et le développement du social des congolais.

L’assurance est une sorte de « filet de sécurité » qui permet de renforcer la résilience des ménages, des entreprises ou des communautés. Lorsqu’elle est bien implémentée, elle permet d’atteindre des objectifs tels que la réduction de la pauvreté, la création d’emplois, le développement agricole et la sécurité alimentaire, etc. Face à cela, il est donc important pour le secteur de s’inventer, voire de se réinventer et de construire des modèles de couverture capables de protéger des individus ou des organisations sans pour autant perturber l’équilibre du secteur.

GIIF: Quelles mesures prenez-vous en tant qu'autorité de régulation pour encourager l'innovation des assureurs commerciaux tout en protégeant les clients de l'assurance, en particulier les petits exploitants agricoles ?

Mme Fanny Mbilo Eale: Il sied de rappeler que le Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur Felix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO a inscrit le secteur de l’agriculture comme priorité des priorités de son Gouvernement en prônant la revanche du sol sur le sous-sol. 
Le Chef de l’Etat a évoqué la nécessité pour la RDC de mettre en valeur son grand potentiel agricole comme alternative crédible à l’assurance de la sécurité alimentaire et nutritionnelle aux niveaux local, national, régional et international rappelant que la relance de l’agriculture demeure l’un des piliers majeurs de l’action gouvernementale traduit dans le Plan National Stratégique de Développement (PNSD). En tant que conseiller du gouvernement en matière d’assurance, nous envisageons les mesures suivantes :

1. Implémenter la réglementation relative à la micro assurance et à l’assurance indicielle lesquels :
• marqueront un tournant décisif dans l’accompagnement des opérateurs à faible revenu ;
• contribueront au-delà de l’aide financière, à réduire le risque, stimuler la productivité et l’accumulation d’actifs ou encore offrir des avantages tangibles à de nombreux de nos concitoyens ne pouvant pas être couverts par des assurances classiques.

2. Pousser les sociétés d’assurances à innover et à intégrer certaines dimensions du marché afin non seulement de concevoir des produits d’assurances répondant réellement aux besoins des clients mais également en mettant en place de nouveaux canaux de distributions adaptés qui permettront une inclusivité réelle de l’assurance.

3. Inciter en vertu du code des assurances (en son article 460 point 4) les banques, les établissements financiers, institutions de micro finance, caisse d’épargnes agrées et la poste, à envisager la possibilité de distribuer des produits d’assurance pour le compte des sociétés d’assurances comme le fait actuellement la bancassurance.

L’ARCA a déjà pris attache avec la Banque Centrale du Congo, autorité de régulation de « microfinance » pour examiner cette question de distribution de produits d’assurance par ces institutions.

Bien que le labeur soit grand, si nous voulons développer un marché des assurances sain, équitable, inclusif, conformes aux standards internationaux et être un régulateur de référence d’un secteur dynamique des assurances, il nous faut ériger des fondations solides.

GIIF: Pourriez-vous résumer les points clés du cadre réglementaire récemment approuvé (le règlement relatif aux opérations de Micro-assurance et le règlement relatif à la Micro-assurance indicielle) et expliquer comment il s'aligne sur vos ambitions en tant qu'autorité de régulation?

Mme Fanny Mbilo Eale: Ce qu’il nous faut retenir des règlements N° 002/23 et N° 003/23 relatifs aux opérations respectivement de la « micro assurance » et à la « micro assurance indicielle » est que ces textes ont été élaborés et mis en œuvre en vue de protéger les personnes à faible revenu contre des risques spécifiques.

Concernant la micro assurance, nous pouvons dire que la construction de la réglementation respecte une architecture quasi similaire au Code congolais des assurances, à savoir : le contrat d’assurance, les entreprises, l’agrément, le régime financier, les intermédiaires ainsi que le régime des sanctions.

Quant au règlement sur la micro assurance indicielle, la nouveauté, au niveau des risques agricoles, il réside dans la possibilité de proposer aux populations des contrats tarifés sur une base indicielle. Cette nouveauté, permettra de faciliter et d’uniformiser les procédures d’indemnisation.

Ces règlements définissent les spécificités :

• des contrats : les règles applicables (souscription, commercialisation des produits, indemnisation…) ;
• des entreprises : conditions d’agrément pour pratiquer les opérations de micro assurance, capital social minimum requis… ;
• de l’intermédiation : introduction de nouveaux modes de distribution, désignation des personnes habilitées à présenter ces produits, …

Les spécificités, dont nous faisons mention ci-dessus, nous permettent d’avoir des contrats claires, simplifiés pouvant être traduits en langues locales (de l’assuré) et qui impose une prise en charge et une indemnisation rapide de l’assureur.

L’adoption de ces règlements rencontre nos ambitions en ce sens que si la micro assurance est bien implémentée, elle peut contribuer largement à améliorer le niveau de vie des populations à faible revenu dans notre pays ; pays, où la grande majorité de la population est exclue des circuits financiers classiques et où les systèmes de protection sociale sont quasi inexistants.

GIIF: Quelles perspectives s'ouvrent pour l'industrie de l'assurance en RDC à la suite de cette étape importante ?

Mme Fanny Mbilo Eale: A travers cette innovation et révolution, l’ARCA peut espérer voir les solutions et produits d’assurance devenir nettement plus accessible à une plus grande majorité de la population. Désormais, le secteur des assurances pourra enfin prétendre résorber le taux de pénétration en apportant sur le marché des produits d’assurances inclusifs et contribuer substantiellement à la stabilisation du cadre macroéconomique et à la relance de l’économie.

Cela aura également une incidence sur la création de plusieurs emploi directes et indirectes ; l’augmentation du pouvoir d’achat des consommateurs ; l’augmentation et la mobilisation des recettes de l’Etat ; la participation à l’amélioration du climat des affaires et à la réduction du risque pays.

La mise en œuvre de la micro assurance et l’assurance indicielle multisectorielle permettra entre autres d’embrasser pleinement la révolution digitale (dématérialisation et outils numériques pour traitement des dossiers et distribution des produits d’assurances); de positionner le marché des assurances de la RDC parmi le top 5 des marchés africains des assurances.

L’ARCA, eu égard à ce qui précède, peut prétendre contribuer ainsi modestement à la stratégie nationale d’inclusion financière présentée récemment par le Ministre des Finances, SEM Nicolas KAZADI, lors de la 104ième réunion du Conseil des Ministres tenue le vendredi 14 juillet 2023, notamment dans l’amélioration du taux de pénétration de 3% d’ici 2028 contre 0,46% actuellement.

Étant donné l'impact économique du changement climatique sur les petits exploitants agricoles africains, il s'agit en effet d'un développement significatif pour le secteur agricole en RDC. Le soutien multidimensionnel de la Banque mondiale devrait contribuer à améliorer le bien-être des agriculteurs et des plus vulnérables dans le pays.

Nous remercions chaleureusement Mme Fanny Mbilo Eale pour ses précieuses perspectives et sa contribution à cet article. Pour plus d'informations sur les activités en RDC, veuillez cliquer ici